Chronique

Pourquoi l’école ?

Cet été qui n’a jamais commencé est déjà fini. La rentrée apparaît en fondu. Les animateurs de radio d’automne sont déjà au micro. Il reste seulement un festival à Montréal, celui dont on ne parle pas. Les rues ne sont pas bloquées seulement parce qu’il y a des travaux, mais, aussi, parce qu’il y a des autos.

Et petit à petit, les grands et les petits retournent à l’école. C’est pour eux que j’écris, ce matin. Pour ceux qui s’y rendent pour la première fois, comme pour ceux qui s’y rendent pour la millième fois. Des primaires aux universitaires. Savez-vous ce que vous vous en allez faire ?

On se pose des questions pour tout dans la vie, sauf pour l’école. Chacune de nos activités est avant tout un souhait. On a envie de faire du sport. On a envie de faire de la musique. On a envie de jouer aux jeux vidéo. On a envie de regarder un film. On a envie de texter son ami. On a envie de rester au lit. Alors on le fait. Mais pour l’école, pas besoin d’avoir envie, on y va de toute façon. Qu’on le veuille ou non. Alors, on ne se pose pas de questions. C’est un passage obligé. Pas besoin de motivation.

Et c’est pour ça que les corridors d’école sont remplis de jeunes tannés qui ont juste hâte que ça finisse. On leur garroche plein de matières à la tête. Les plus entourés réussissent, les plus perdus échouent.

Avant de leur apprendre le français, l’anglais, la géographie, l’histoire, les mathématiques, la chimie, la physique, la biologie, il faudrait leur apprendre à quoi ça sert d’apprendre. Leur apprendre que l’école, ce n’est pas des travaux forcés. C’est des travaux qui rendent plus fort.

On n’a jamais vendu l’école aux enfants. Pas besoin, ils sont obligés d’y aller. Alors on les met dans l’autobus et ils suivent. Que ça leur tente ou pas. Ça prendrait un cours Initiation à l’école 101. Pour que les jeunes comprennent ce qu’ils font là. Qu’ils sachent ce qu’on attend d’eux. Et ce qu’ils peuvent attendre des profs. Faut leur expliquer dans quoi ils s’embarquent. Combien de gens, 20 ans plus tard, regrettent de ne pas avoir plus écouté durant leurs cours, de ne pas avoir plus étudié ?! Au fond, l’école, c’était le fun, mais on ne le savait pas. Personne ne nous l’avait dit.

Alors je vais vous le dire. Élèves, l’école, c’est le fun. C’est pas un immeuble où les parents se débarrassent de leurs enfants pour pouvoir aller travailler. C’est pas une garderie avec des activités plates. L’école, c’est un gym. Le gym du cerveau. Et comme pour le gym du corps, faut pas y aller une fois de temps en temps, si on veut des résultats. Faut y aller régulièrement. Du lundi au vendredi.

À quoi ça sert d’avoir le cerveau musclé ? Après tout, sur Instagram, les bras et les fesses musclés sont beaucoup plus populaires. Mais entre deux selfies, il y a ce qu’on appelle la vie, et dans la vie, plus on sait de choses, plus la vie passe vite, plus la vie est passionnante.

La connaissance, c’est pratique. Le cours de français va vous permettre d’écrire des statuts qui vont intéresser les autres. Le cours d’anglais va vous permettre de comprendre les chansons d’Ed Sheeran. Le cours de mathématiques va vous permettre de structurer votre pensée face à tous ces chiffres qui vous entourent. De votre nombre de likes à votre nombre de fails. Le cours de géographie, vous serez bien content de l’avoir écouté quand vous enverrez vos photos des quatre coins du monde. Et le cours d’histoire vous permettra de comprendre tous ces gens que vous croiserez. À commencer par vous.

L’école, c’est pas juste un endroit à imprimer des diplômes pour avoir une job. L’école, c’est un Disney World de connaissances. Chaque matière est un manège. Y’a tellement de choses à apprendre que ça donne le vertige. 

La meilleure façon de réussir en chimie, c’est d’aimer la chimie. La meilleure façon de réussir en philosophie, c’est d’aimer la philosophie. C’est bête de même. Les premiers seront ceux qui ont le plus aimé.

Voilà pourquoi, à la rentrée scolaire, au lieu d’initier seulement les élèves avec des concours de bedaines chaudes et des parties de drapeau, il faut passer quelques heures à leur donner le goût d’aimer ce qu’ils s’apprêtent à vivre pour la décennie à venir. C’est pas rien. C’est un méchant contrat, l’école. Faut donner le goût à l’élève de le signer.

Ce que les adultes oublient trop souvent, c’est que l’école est là, avant tout, pour répondre aux questions des enfants. Faudrait commencer par leur apprendre ce qui les intéresse. Pourquoi le ciel est bleu ? Pourquoi les zèbres ont des lignes ? Pourquoi il faut que j’aille à l’école ?

Tout le monde est friand de connaître ce qui l’intéresse. Le problème avec l’école, c’est qu’on ne prend pas le temps d’intéresser les jeunes aux matières. On leur fait tout apprendre par cœur, mais le cœur n’y est pas. Bien sûr, il y a des profs exceptionnels qui transmettent leur passion, mais faut aider les profs normaux à être plus captivants.

Le décrochage scolaire est une plaie. Mais le remorquage scolaire l’est aussi. Tous ces jeunes qui se font tirer par le système. Tous ces jeunes qui vont à l’école en attendant de ne plus avoir besoin d’y aller. Il faut les stimuler. Il faut les motiver.

Prenez le temps de leur dire pourquoi ils sont là. Quand ils auront compris ça, ils comprendront tout le reste.

Bonne rentrée, tout le monde !

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